La cuisine créole afro-caribéenne est une culture culinaire en plein essor. La soul food, cette «nourriture de l’âme», à la jonction de la cuisine traditionnelle du sud des Etats-Unis, est résolument métissée et chaleureuse. Présentation.
Au sein des îles tropicales, la cuisine créole se prépare entre terres et mer. Entre les palmiers, les montagnes escarpées, les villes typiques et urbanisées, la végétation et la faune luxuriante. Les Caraïbes renvoient à un ensemble géographique formé par les Antilles. Région des Amériques, elle s’étend sur une grande surface. Celle-ci comprend la mer des Caraïbes, ses îles et les côtes environnantes. Entre le sud-est du golfe du Mexique et du continent nord-américain, à l’est de l’Amérique centrale.
La part africaine de la cuisine afro-caribéenne est la conséquence de la traite transatlantique entraînant un départ forcé des Africains vers les États-Unis d’Amérique et les îles caraïbes environnantes. Là-bas, les esclaves mettent un point d’honneur à garder les traditions culinaires. Ils les adaptent alors aux aliments présents sur leur nouveau territoire d’exil. La cuisine amérindienne des populations indigènes Karib et Arawak, décimés par les troupes de Christophe Colomb, a aussi eu un impact sur la tradition culinaire créole. Sans compter les colons européens qui ont également apporté leurs propres traditions. Les aliments utilisés sont de saison, locaux et accessibles
La richesse agricole des caraïbes
Le livre de cuisine, Goûts d’Antilles : recettes et rencontres, propose des recettes créoles et des interviews de personnalités antillaises. Claudy Siar, Jocelyne Béroard ou encore Franck Salin y figurent. Ils y mettent en avant le rapport intime qu’ils entretiennent avec la culture culinaire créole. Franck Salin témoigne de son goût sans limite pour cette cuisine. Réalisateur et metteur en scène, il est aussi journaliste. Dans cette bible moderne de la cuisine antillaise, il revient sur des plats rustiques qu’il apprécie. Tel que les dombrés (boulettes de farine et d’eau), haricots rouges et porc, un plat encore très consommé aujourd’hui.
La cuisine caribéenne peut compter sur une certaine richesse agricole favorisée par un climat tropical ensoleillé. Ces îles regorgent d’une grande variété de fruits et de légumes-racines locaux. Mangues, piments, patate douce, avocats, ananas, fruit de la passion, bananes… La liste est longue. Les épices y tiennent aussi une place centrale : colombo, graines de roucou (Achiote), gingembre, vanille, cannelle. Les sauces créoles comme la sauce chien (une vinaigrette composée d’oignons, de branches de cives, de persil, de piments végétariens) s’apparentant au chimichurri sud-américain et à la salsa criolla argentine. Elles relèvent encore un peu plus les saveurs de la cuisine afro-caribéenne.
Marie-Claire, guadeloupéenne d’origine, entrevoit la cuisine créole comme une cuisine familiale et colorée
La cuisine créole évoque pour moi le voyage, les saveurs. C’est une cuisine avec beaucoup de couleurs et d’épices. La communauté des indiens présente aux Antilles depuis longtemps, a apporté ces épices comme le curcuma, le gingembre et le colombo
C’est aussi une cuisine festive à l’instar de la fête des cuisinières en août qui met à l’honneur la cuisine créole avec des défilés de cuisinières en tenues traditionnelles préparant des plats symboliques, en l’honneur du St Patron des cuisinières. Le jardin créole est aussi une tradition bien ancrée.
Ce jardin est entretenu dans le but de pouvoir nourrir sa famille. Ce qui était le cas du jardin de mon père. On y trouvait des ignames, des patates douces, des fruits à pain, de la châtaigne pays, du dachine madère, des pois d’hiver sans oublier des plantes aromatiques : piments, cannelle, romarin, citronnelle ou encore des fruits tropicaux comme la noix de coco, la grenade, les cerise pays, les prunes de cythère, le corossol, la pomme cannelle…
Une cuisine en perpétuelle évolution
La cuisine créole et afro-caribéenne se renouvelle constamment. En témoigne, Edwin, chef cuisinier guadeloupéen de 23 ans qui officie depuis 7 ans. Sa cuisine est élégante, revisitée avec des produits de saison. Une cuisine soul food, «afro-fusion» qui est pour lui la rencontre entre cuisines du monde, cuisine afro caribéenne et antillaise.
Je transmets ma passion pour la cuisine créole avec des dressages épurés. Je fais bien attention à la présentation et à l’harmonie des couleurs au niveau des plats. Je dirai que je fais une cuisine gastronomique et bistronomique
La soul food, pour lui, est pétrie d’histoire ce pourquoi il faut respecter certaines étapes dans la préparation afin de préserver l’authenticité des produits. Traiteur en Guadeloupe, il vit depuis peu en France où il a repris son activité.
J’adore recourir aux fruits exotiques. En ce moment, je prépare des produits estivaux. Mon duo de patate douce : patate douce violette et patate douce blanche remporte un franc succès. Je prépare régulièrement de la blanquette de veau revisitée. La viande est alors marinée dans de la citronnelle
Cuisiner sain et végétal est à présent très apprécié
A Table Métis, on sert beaucoup de produits afro-végan sans aucune trace de gluten en remplaçant la farine de blé par de la farine de manioc. Edwin adore cuisiner des beignets d’haricots rouges: un mélange avec de la farine de manioc, des herbes, des épices, des haricots rouges, du riz cassé (un riz plus fin, plus petit et cuit longtemps), accompagné d’une sauce chien, d’une sauce yassa (aux oignons) ou d’une sauce mafé (à la cacahuète), pour la touche africaine.
La farine de manioc demande une longue préparation
Le manioc est longuement bouilli pour le débarrasser de son amertume et de sa toxicité. Cette farine est aussi incontournable car facile à digérer, riche en amidon et possédant des propriétés médicinales contre les douleurs ventrales. Celle-ci peut être utilisée comme un épaississant dans les soupes et les haricots rouges. C’est aussi l’aliment central de nombreuses spécialités comme les kassav (galettes de manioc aromatisée au coco ou nature) qu’on retrouve dans toutes les Antilles françaises.
Hélène Martiniquaise, est aussi une passionnée de cuisinecréole
Actuellement en Métropole, elle aime cuisiner en famillecar préparer de bons plats est surtout synonyme de convivialitépour elle. Ses plats préférés ? le colombo avec de la viande de porc ainsi que les dombrés aux crevettes. Elle utilise beaucoup d’épices: laurier, 4 épices, piments, bois d’inde. Et elle affectionne aussi des plats rares comme le ti-nain morue: morue, salade de concombre et bananes sans oublier le migan de fruit à pain qui s’apparente à une soupe.
Marie-Claire surenchérit sur un plat rare qu’elle apprécie. Le bébélé de Marie Galante et de Guadeloupe. C’est un plat qui est n’est pas servie dans les restaurants: une soupe où sont réunis des légumes de pays et des abats. Là encore, c’est un plat issu du temps de l’esclavage et qui tient bien au corps. Elle est aussi une inconditionnelle de féroce d’avocat.
Mon père adorait le préparer avec la farine de manioc, la morue dessalée et effilochée, des piments et des avocats murs. Cette spécialité doit son nom à son goût très pimenté. Une autre façon de consommer l’avocat
La cuisine créole reste encore trop peu connue en France Métropolitaine comme en témoigne Marie-Claire et les autres personnes rencontrées. Il y a très peu de restaurants antillais en France car ils ont moins de facilité à promouvoir cette cuisine traditionnelle.
Sur Instagram, la page Simplycaribbean1, nous dévoile la cuisine de Deborah Lynch Burchell
Aka Chef D, elle est originaire de Trinidad, une île anglophone membre du Commonwealth. La soul food peut être assimilée à la cuisine caribéenne, une fusion audacieuse de saveurs africaines, cajuns, amérindiennes, européennes, latino-américaines, indiennes et moyen- orientales. Elle persiste à chérir cette culture culinaire depuis son enfance.
Je suis d’origine caribéenne. J’ai grandi sur l’île de Trinidad pour être exact. Ma relation avec la cuisine caribéenne est basée sur les épices, les assaisonnements, le caractère unique de la nourriture, les currys, les soupes et les ragoûts
Chef D. fait également la part belle aux condiments: herbes fraîches, piment de la Jamaïque, noix de muscade, origan cubain, poivre scotch. Elle aime cuisiner du dhal composé de pois cassés jaunes, d’épinards sautés, d’anchar de mangue, de potiron et de curry bodi, le tout servi avec du riz nature. Elle raffole également du Trinidad Callaloo et du Stew Fish.
La Soul Food, variante américaine de la cuisine afro-caribéenne et créole fait aussi des émules à l’international.
Depuis quelques années, elle s’installe progressivement en France et propose une autre manière de consommer afro-caribéen à l’image de la cuisine des Acadiens et des Afro-américains. Plusieurs restaurants français comme le Jah Jah Trycicle, le Gumbo Yaya et le New Soul Food promeuvent cette cuisine créole aux multiples facettes.
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Article concocté parAudrey Poussines,